Désormais, ça ne devait faire que quelques jours que le jeune homme était arrivé dans cet internat bien trop obsolète à ses yeux. Le premier jour, il avait décidé que l'odeur qu'il associerait à sa rencontre avec ce bâtiment de pur ennui serait celui du bitume mouillé, où l'eau s'était accumulé entre les gerçures qui laissaient entrevoir, ça et là, quelque amas de feuilles pourries et décomposées par l'automne. L'été avait été tout aussi court que les précédents, mais cette fois-ci, le délinquant ne regrettait pas le soleil assassin qui avait dardé ses rayons vaniteux sur la cité, car ce dernier était bien trop ennuyant, agaçant même, ou quelque peu indifférent. Nolan défit le reste de ses affaires dans le dortoir inintéressant qui lui avait été assigné, une sorte de piaule nauséabonde qu'il partagerait avec d'autres résidents si nous pouvions les appeler ainsi, et le rebelle n'avait tout simplement aucune idée de quelle impression il devrait s'affubler en présence des autres. Faire comme d'habitude avait été son option primordiale, c'est à dire, se comporter comme un sauvage qui ne pense qu'à tirer une cigarette sous un arbre, ce n'était pas réjouissant ni impressionnant ou quoi que ce soit d'autre, mais ce besoin de liberté se faisait de plus en plus ressentir, et aujourd'hui plus que n'importe quel autre jour. Il avait jeté un regard meurtri vers les murs serrés et décrépis de ses appartements d'où s'émanait une effluve de linge blanc délavé qui aurait jauni au cours du temps, entassés de poussière, vieillis par l'éloquence du précipice créé par leurs tiroirs. La silhouette se senti oppressée, bientôt effrayée, puis angoissée, avant de détaler de cette pièce si minuscule à ses yeux pour venir courir dans les couloirs sans but précis, et ses pas s'évanouirent prestement dans l'air d'un après-midi lourd et dédaigneux.
Décidément, la claustrophobie du jeune ne s'arrangeait point, il avait de nouveau eut l'impression d'être enfermé dans une cage, une véritable déception pour tout vous dire, mais qui aurait su qu'il regretterait l'air de Berlin, ceci, personne ne s'en serait douté. Mais quelque part, Nolan respirait d'être jeté dans une nouvelle pâture où il devrait paître aussi bien que les autres pour être accepté, du moins, à quoi bon, puisque le voyou n'avait été respecté que par la peur ? Il jeta une main fatiguée dans ses cheveux blonds, redressant quelques mèches qui vinrent s'échouer plus loin dans l'océan doré qui recouvrait sa tête, il ne put s'empêcher de soupirer bruyamment, longuement, refoulant l'air sec et tarit qui embaumait ses pauvres poumons torturés par la fumée de la cigarette qui chancelait sur ses lèvres. Il savait bien que fumer ne ferait que le dégrader, et que cette manière d'oublier était lâche, pourtant, sa dépendance était devenue trop forte pour qu'il puisse se passer maintenant de cette drogue qui le consumait ; il arrêterait bien un jour de toute façon, que ce soit de son vivant ou non. Il chassa rapidement la fumée d'un souffle négligent, avant de se tourner vers les toits biens placés d'une rangée de bâtiments, certains délabrés, à la toiture recouverte de mousse tantôt grisâtre, tantôt brunâtre, aux murs suant les coulées malsaines d'un rouge lit-de-vin sur le crépis jaune blafard. Sans réfléchir plus longtemps à ce qu'il comptait faire ou ne pas faire, il s'aventura, les mains dans les poches, dans quelques ruelles crasseuses à l'abri des regards de la foule qu'il détestait tant, avant d'atterrir devant un amas de vieilles poubelles sales entourées de cartons déchiquetés par la pluie, à demi collées sur le plastique vert d'eau des containers à déchets qu'ils n'arrivaient cependant pas à avaler tant ils en vomissaient de tous côtés. Nolan écrasa sa cigarette sur un mur quelconque, avant de grimper agilement sur les échelles improvisées, et il se retrouva bientôt sur son perchoir favori, les toits ; bien qu'ils n'étaient pas les plus majestueux de la ville, la voûte céleste se montrait plus dégagée, plus appétissante. Les relents des pollutions contrastées des ruelles s'évaporèrent peu à peu, ne laissant place qu'à une brise doucement amère qui aurait pu fondre avidement dans la bouche, et bien que cette effluve n'avait rien de sucrée, elle sembla alors aussi douce qu'une confiserie. Le jeune homme respira pleinement, puis commença à dévaler quelques tuiles humides glissantes et rougeâtres, faisant dégringoler au passage des graviers dont on ne savait comment ils avaient atterris ici, ou encore, la nappe craquelée que formaient les amas de mousses impures/ Il dut tout de même se stopper dans son avancée regorgeant de caprices insatisfaits à la vue d'une forme toute qualifiable d'humaine. Une jeune fille était assise sur la toiture couleur rouille, et d'ici, le voyou put ouïr le son doucereux de son fredonnement, dont l'air lui était particulièrement inconnu, mais il fallait dire que la culture du délinquant était difficile à étaler. Il voulut s'approcher, d'abord lentement, mais il rata entièrement son idéal, trop absorbé par ce qu'il pourrait dire. Et si l'odeur du tabac qui imprégnait ses vêtements faisait frissonner cette personne ? Quelle poisse, ce n'était pas spécialement le moment de faire attention aux autres ! Il se doutait bien qu'il allait encore se montrer maladroit sans s'en rendre compte, et avant qu'il n'aie eut le temps de l'interpeller, son pied dérapa négligemment sur une tuile déjà fendue en deux, et il s'étala de tout son long comme une vulgaire loque, ne ratant pas un bref tonneau ; il se retrouva bientôt étendu devant le visage médusé de la fille avec de nouveaux accrocs sur ses vêtements noirs déjà rapiécés. Dépité, il ne sut que constater son embarras, tandis qu'une impulsivité rageuse s’empara des traits efféminés de son visage encadré de mèches blondes en bataille.

- M*rde ! P*tain !

Comme si sa situation n'était pas suffisamment ridicule, il n'avait rien trouvé d'intéressant à dire en guise d'excuse, rien d'autre que de pitoyables gros mots qui franchirent néanmoins aisément la courbe de ses lèvres furieuses. Pour sûr, ce n'était pas comme si cette jeune fille avait envie d'entendre ce genre de termes après avoir vu un jeune des rues chuter devant elle. Nolan n'osa même plus bouger, préférant détailler avidement le visage de son interlocutrice de ses yeux noisette qui voulaient masquer son émerveillement. Elle n'avait en rien l'air d'une gosse des banlieues, c'est à dire, l'exact opposé de lui même. La tête quasiment à l'envers à cause de la descente du toit, il jeta un rapide regard vers le bleu libertaire du ciel, puis revint sur la face de la fille. Il fit glisser son bras mal placé à côté de lui, et les chaînettes d'argent de ses poignets émirent leur petit cliquetis singulier. Durant ce court instant de silence, il y eut comme une certaine tension qui s'étendit dans les veines de Nolan, mais l'odeur inconnue et presque imperceptible des fleurs de lilas vint apaiser son impulsivité. Est-ce qu'elle allait se moquer de lui ? Ce n'était pas important de toute façon, il lui suffirait de lui lancer une phrase cassante et de sauter de ce toit maudit !

La jeune fille avait l'air quelque peu troublée, ce que Nolan distingua pertinemment dans son regard aussi châtain que le sien, mais cette lueur d'appréhension se durcit jusqu'à devenir ferme et affirmée, donnant un air assuré à ce public improvisé qui n'eut plus rien pour déplaire. Elle étira un sourire franc qui lui sied à ravir sur son visage fin. Contre toute attente et en prenant le délinquant au dépourvu, la fille l'aida aisément à se relever, et Nolan ne put réprimer le frisson qui lui échappa, dérangeant tous ses membres. Il allait passer pour un gosse frêle à se laisser manipuler comme un rat de laboratoire, certes, la comparaison était tout sauf pertinente et ne correspondait en rien à la situation, mais le voyou détestait devoir s'excuser ou remercier quelqu'un. Le tableau de ses moeurs n'affichait jamais ce genre de choses.

- Tu vas bien ?

La phrase de son interlocutrice lui glaça littéralement les os tant il raidit ses muscles un à un. Elle lui demandait si il allait bien ! Pourquoi aurait-il mal quelque part, il n'était pas fait de porcelaine, tout de même ! Malgré tout, c'était le genre de questions qu'il attendait, celles qu'il n'aimait guère et qui avaient la désagréable habitude de l'agacer, mais cette fois-ci, il ne broncha pas et se racla la gorge non sans relever impétueusement le menton, dévisageant à présent la jeune fille d'un air vaniteux qu'il se donna volontairement. Il tira brusquement son bras du soutien qu'elle lui avait apporté et pesta négligemment.

- Tss..! J'suis pas en carton !

Il commença à prendre une position qui faciliterait son élévation, dans le but précis de détaler en espérant qu'elle ne répéterait pas ce genre d'humilité à quiconque, mais il se stoppa net dans son avancée. Une questionna lui trottait dans la tête.

- Qu'est ce que tu fous là ? T'as pas peur de t'perdre ?

Nolan laissa échapper un rire mauvais et moqueur, mais au fond de lui, agir de la sorte était simplement fait pour faire connaissance, une façon subtile mais acerbe, car si jamais il montrait de l'intérêt pur envers quelqu'un, on le verrait d'un autre oeil. Il arqua un sourcil, dessinant une expression machiavélique et charmante sur son visage, avant de croiser les jambes en tailleur en face de la jeune fille à laquelle il n'avait pas même pensé demander son prénom. Il avait tout son temps d'embêter son petit monde.

Ses paroles vaniteuses eurent néanmoins l'effet exactement contraire de ce à quoi il s'était attendu, et c'est pourquoi il afficha une expression légèrement étonnée lorsque celle de la jeune fille se fit d'un marbre des plus parfaits, refroidissant littéralement le banlieusard qui bouillonnait d'impulsivité.

- Pardon ? Pour qui te prends-tu pour t'adresser ainsi à moi ?

Nolan serra rageusement la mâchoire, constatant avec un effroi impitoyable l'attitude peu appréciable de son interlocutrice, mais en l'habituelle personne qu'il était, il avait eu peine à dépeindre son propre égoïsme, sa propre antipathie sur le tableau de ses mépris qu'il avait cloué sur son coeur déjà fissuré. "L'habit ne fait pas le moine." faisait partie des principes qu'il ignorait copieusement sans se soucier de l'importance de ce type de citations pourtant véridiques, mais cette fois-ci, il devait remarquer qu'il était tombé dans le panneau comme un débutant. Il ne baissa pas la tête d'un seul millimètre, et se contenta d'étirer un sourire rempli de défi sur son visage. Nolan avait encore une fois été terriblement maladroit, et il s'en voulait encore un peu plus à chaque fois qu'il commettait ce style de faux pas, des enjambées de travers qui désormais faisaient entièrement partie de sa routine, mais quelque part, ça le rassurait de savoir que son déménagement ne l'avait pas fait changer, aussi enfantin cela soit-il. Il commença alors sa courte tirade d'une voix pleine d'emphase et d'exagération, priant pour qu'elle ne s'énerve pas de plus belle, bien qu'il douta fortement que ce souhait improvisé se réalise en bons termes.

- Je me prends pour ce que je suis, mademoiselle, c'est à dire une odieuse racaille qui n'a rien d'autre à accomplir que de vagabonder dans les rues insalubres de cette joyeuse communauté et de déranger quiconque daigne lui adresser la parole, et qui, à en juger par la façon dont votre magnificence ose me toiser, serait bonne à être vigoureusement nettoyée.

En dépit du ton prompt et foudroyant dont il s'était servit à merveille, les éléments auxquels il avait fait allusion étaient authentiques ; il avait cru avoir décelé dans l'esprit de la jeune fille une quelconque fébrilité dans la réplique cassante qu'elle lui avait jetée à la figure un instant plus tôt. Il était pertinemment en tort, mais être interpellé de cette façon ne lui plaisait guère plus que de s'étaler pleinement devant une inconnue...Nolan était simplement individualiste, il ne pouvait pas réprimer cela, et c'était précisément ce qui poussait son entourage à le dévisager de manière peu concluante, bien loin d'être amicale. De toute façon, ses attitudes négligentes et désagréables n'avaient jamais suscité la sympathie de la part de ses proches, et ce fait indéniable était encore loin d'avoir un achèvement. Le voyou ne bougea pas d'un pouce, ses nerfs se crispant froidement de temps à autres comme pour venir déranger son état de concentration qu'il espérait réussie, et par dessus tout, il se savait inconsidéré et malhabile, mais n'avait jamais vraiment cherché à réprimer ces besoins d'isolation trop forts. Le jeune homme baissa nerveusement les yeux, commençant à chercher vaguement un point intéressant où son regard noisette viendrait se fixer, mais l'impression qu'il donna de lui fut d'avantage celle d'un fuyard cherchant gauchement son issue illuminée. Et puis mince, s'il devait passer pour un délinquant malavisé, il s'en tiendrait à ce type de réactions désavantageuses ! Véritablement, il aurait tout donné pour se calmer et conserver aussi bien son calme qu'à l'identique des fantastiques héros de films, mais son tempérament colérique et impatient l'emportait sans cesse. Il tapa nerveusement du point sur les tuiles rougeâtres, sans pour autant vouloir briser des buildings, et pencha légèrement son buste vers l'avant, lançant un regard qui se voulu menaçant à son interlocutrice. Pourvu que...Pourvu simplement qu'elle ne remarquerai pas son impulsive maladresse d'impétueux énergumène.

La jeune fille qu'il ne connaissait même pas commença par croiser gracieusement les mains sur sa poitrine, avant de toiser le voyou de son regard noisette pétillant. Il ne sut que ce sentir mal à l'aise de plus belle, soufflant négligemment en déviant ses propres yeux vers une nouvelle échappatoire. Auparavant, il avait toujours eu l'habitude de céder, à ses proches, à ses parents, mais surtout, à sa capricieuse soeur cadette, mais depuis son décès, le temps et les événements l'avaient quelque peu fait changer. Pourtant, il restait constamment cette part de nougat dans son coeur qui freinant son machisme décourageant, fondant parfois devant la fierté des autres, et bien que ce fut rare, il gardait mauvaise impression de cette sensation de faiblesse qui le prenait de court. Il conserva néanmoins sa franchise habituelle, encore dépourvue d'assurance.

- Au fait, comment tu t'appelles ?

Elle n'avait pas dû juger bon de faire un commentaire sur la tirade désobligeante qu'il lui avait envoyée, aussi se crispa-t-il légèrement à l'idée de l'avoir encore nettement déçue en ayant réagit de cette manière. Aurait-il dû juste partir sans faire de remarque, en tournant le dos à cet obstacle ennuyant ? Il se résigna néanmoins à lui donner une réponse digne de ce nom, mais dû réfléchir un instant avant d'entamer. Un prénom est une chose qui nous qualifie, qui nous a été donné à la naissance généralement, et qui devrait nous suivre toute notre vie. "Nolan". Noah et Allan. Était-ce si important d'être mentionné ? Le jeune homme plaça ses bras derrière lui, s'appuyant paresseusement sur les tuiles au biais de ses mains, et pencha un peu la tête en arrière, laissant son regard divaguer sur la voûte céleste où passaient quelques nuages languissants. Il ne radoucit pas son ton, préférant feindre un manque d'intérêt évident.

- Nolan. Ça veut dire "célèbre" et représente la couleur en Celte. C'est nul, les autres trouvent ce nom "doux". Tu parles..

Le dédain se ressentit énormément dans sa voix, mais il ne broncha pas, préférant passer pour l'habituel je-m’en-foutiste qu'il était. Il ne s'arrêta cependant pas là, écoutant au loin la clameur tremblante des véhicules, et surtout, de l'effervescence de la cité.

- C'est quoi l'tien ? Ne..Ne crois pas que je demande ça par intérêt hein, c'est que..par simple "politesse" !!

Le banlieusard s'était brusquement re penché en avant, agitant prestement les mains devant lui d'un signe négatif, sourcils froncés, mais la gêne évidente qu'il éprouvait était presque palpable, et le fait qu'il aie rapidement bafouillé le prouvait amplement. Mais c'était vrai, enfin, pourquoi éprouverai-t-il un quelconque intérêt pour quiconque ? Une chaleur agaçante lui monta au visage, signe évident qu'il restait le malhabile Nolan qu'il avait toujours été dans chaque situation, et une fois de plus, il avait menti pour masquer son embarras. Il fouilla nerveusement dans sa poche et commença à jouer avec son briquet, tandis que la jeune fille ne tarda pas à répondre.

- Je m'appelle Swan , sa veut dire cygne en anglais , c'est en hommage au lac des cygnes de Tchaikovsky que mes parents m'ont appeler comme sa , tu connais le lac des cygnes n'est ce pas ?

Est-ce que cette fille était en train de se moquer de lui ? Le Lac des Cygnes, ce vieux morceau de musique classique composé par le célèbre Tchaikovsky, comment pouvait-elle demander à une vulgaire racaille si il connaissait ce genre de choses ? Oui, pour sûr, il avait eu vent de nombreuses fois de cette somptueuse partition qui ne se démoderait jamais dans le monde du classique, mais vraiment, le questionner sur une telle, cela signifiait qu'il cachait extrêmement mal son petit jeu ; mais surtout, si cette dénommée Swan commençait à lui parler de musique douce et ennuyante, il allait réellement s'enfuir en courant. Le Lac des Cygnes...Non, Nolan détestait ce genre de choses, c'était atroce, une offense à la musique, c'est ce qu'il aurait voulu se dire, mais il ne pouvait s'empêcher d'admirer les grands compositeurs, car dans sa jeunesse, lorsqu'il n'avait pas encore sombré dans les limbes de la délinquance, il avait toujours voulu en être un, un célèbre même. Il se souvint brièvement de l'immense piano à queue de sa mère, et des touches qu'il avait lui-même fait jouer entre elles sous le regard émerveillé de sa famille. Ça faisait trois ans qu'il avait arrêté le piano, trois ans ! Et durant tout le temps où cette passion l'avait obnubilée, ses partitions préférées étaient restées "Al final todos se van" d'Aldo Di Paolo, ainsi que "Divenire" de Ludovico Einaudi, qu'il avait d'ailleurs maîtrisée à un niveau loin de la perfection certes, mais très correct, gracieux même. La musique que jouait parfois sa mère pour lui, avant, était "Everyday" de Carly Comando, une partition assez récente d'ailleurs, qu'il aurait lui aussi voulu jouer pour quelqu'un qui lui serait cher. Il y eut comme un petit pincement dans le coeur du jeune banlieusard, mais il façonna immédiatement une expression de marbre sur son visage aux traits fins. Le violon, par contre...Une horreur, il lui rappelait bien trop son imbécile de soeur, cette gamine dépourvue de l'essence simpliste qu'était réfléchir et se montrer clémente envers son propre frère. Nolan décida de durcir son attitude et de cesser de perdre pied face à cette fille.

- Hmf, tu crois que je perds mon temps à écouter de la musique classique ? De toute façon, je n'ai jamais trouvé belle une symphonie qui abrite autant de violons, ces instruments m'agressent les oreilles !

Nolan avait peut être exagéré sur ses propos, et il était quasiment persuadé que la jeune Swan allait répliquer et plaider en faveur des violons, et il ne lui en voudrait pas, puisqu'il avait toujours détesté les violons, parce que dans les mains de sa soeur, ils devenaient ses instruments de torture, non pas qu'elle joua atrocement mal, mais qu'il associa subrepticement le bruit de l'archet sur les cordes à cette idiote qu'il devait protéger. Pourtant les violons étaient des objets magnifiques, précisément sculptés, et au fond, il admirait les violonistes, bien que lui-même eut été pianiste. Il eut soudainement la nostalgie de l'instrument, et les relents de la ville lui apportèrent innoncemment l'odeur du vieux foyer dans lequel il s'amusait à retranscrire les partitions des célèbres pianistes dont il s'était entiché, une effluve de moquette sèche aux motifs victoriens, tout aussi minutieux que le papier peint bleuté tantôt recouvert de fausses tâches de café ci et là. Nolan eut envie de se retrouver à nouveau seul dans cette grande salle insonorisé, assis sur le tabouret de cuir du splendide piano à queue de sa mère, mais il chassa bien rapidement ces idées folles de sa tête. S'il savait que Le Lac des Cygnes comportait une harpe, des premiers et seconds violons, des altos, des violoncelles, et des contrebasses, il semblait évident qu'il connaissait cette symphonie, mais, il ne l'avait jamais affectionnée, elle était trop bourrue à son goût, si raffinée aux yeux de certains, elle semblait faite de pierres aux siens, bien qu'elle ne le soit pas. L'instant qu'il avait préférée dans cette composition était la quatrième partie, mais même dans cette part, rien n'était à son goût. Il passa sa main gantée de mitaines dans ses cheveux blonds une fois de plus, relevant quelques mèches à la finition rouge qu'il avait faites lui-même, dévoilant ses oreilles percées de nombreuses billes d'argent aux allures différentes. Il avait beau parfois se comporter de façon maladroite et hilarante, il avait un style bien à lui qui le caractérisait bien en dépit que certains en pensaient le contraire. Et puis, face aux gars des autres gangs, il était aussi féroce qu'un loup en manque de nourriture. Il se contenta de serrer ses fines lèvres entre elles, toisant Swan d'un regard qui devint impitoyable. Il ne montrerait pas son côté faible, et encore moins à une inconnue imbue de sa personne...Du moins, c'est l'opinion qu'il s'était faite des gens qui lui paraissaient riches. Il détourna la tête, ne montrant que son profil gauche où pendant la petite chaînette qui partait de sa lèvre inférieure. "Je dois être allergique aux présences humaines", pensa-t-il alors.

- M'enfin bref, et pourquoi ont-ils fait hommage à un morceau de musique ? T'es compositrice, danseuse ou un truc comme ça ? Et, si j'parle trop, demande-moi juste de me la fermer.

Le délinquant s'était bien ressaisi, et il ne restait plus dans son ton qu'une antipathie et une négligence volontaire. Il ne lâcha pas son briquet et continua à faire vaciller la petite flamme orangée dans le vide, car il se fichait que ce dernier se consume définitivement. Il aurait d'autres occasions d'en voler, de toute façon. Il n'avait posé ces questions à la jeune fille en face de lui que pour ne pas paraître bourru et ingrat, car à vrai dire, il n'avait pas la prétention de prétendre s'intéresser à elle. De moins, c'est ce qu'il croyait pertinemment.